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La Nuit surprise par le Jour mène depuis sa création une réflexion en acte sur le théâtre lui-même. Elle poursuit depuis 1993, en particulier à travers les projets et les mises en scène de Yann-Joël Collin, une recherche dont le théâtre est à la fois l’objet et l’enjeu. A chaque projet de La Nuit surprise par le Jour est reposé, de manière différente et singulière, la question de l’existence du théâtre et de sa nécessité – celle-ci étant liée à l’acte de représentation, au fait de réunir en un même lieu et en un même moment les acteurs et le public autour d’une même interrogation liée à notre humanité. 

 

Chaque projet de la compagnie est ainsi une tentative nouvelle de mettre en jeu, c’est-à-dire en perspective et en critique, la représentation théâtrale elle-même, et de le faire de manière ludique, en plaçant la relation vivante au public au cœur de la démarche artistique. Chaque spectacle est conçu comme une aventure humaine, celle d’un groupe d’acteurs mis en situation de fabriquer la pièce dans le temps du spectacle, et d’entraîner le public dans le jeu complice de cette fabrication. 

 

 

C’est comme si nous réinventions ensemble, acteurs et spectateurs, le langage de Shakespeare, de Brecht, de Gabily, de Tchekhov, de Beckett, pour le restituer au présent des situations de jeu qu’il engendre. En montrant le théâtre en action, en désignant ses codes pour en jouer, on tend à retrouver en chaque écriture le mouvement vivant qui l’a fait naître, qui traverse et dépasse les époques et les traditions. L’ambition esthétique relie à chaque fois la langue du théâtre à la réalité de son événement : en faisant spectacle de notre interrogation sur la mise en jeu de tel grand texte de l’histoire du théâtre, les projets de La Nuit surprise par le Jour ont pour vocation d’en partager pleinement la richesse du questionnement sur nous-mêmes et notre relation au monde.

 

Cela n’est possible que dans la mesure où cette recherche implique l’expérience de l’acteur dans un projet qui la raconte. C’est le caractère à la fois si unique et si universel de la représentation de l’homme sur une scène dont nous voulons continuer à explorer l’énigme. Il s’agit que la représentation nous convie ensemble, acteurs et spectateurs, à nous regarder nous-mêmes comme pour la première fois, dans ce mélange de lucidité, de jubilation et d’inquiétude qu’évoque Kantor quand il imagine le début immémorial du théâtre, ce moment où les hommes en ont un vu un autre leur offrir, par son reflet, « l’image tragiquement clownesque de l’homme », toute la condition humaine dans son exception et sa vanité.   

 

Le théâtre, s’il n’est pas utile en soi, est nécessaire en tant qu’il est l’art politique par excellence, dont le sens est moins dans le message que dans l’action : celle où une partie de la communauté se rassemble pour essayer de se reconnaître dans sa complexité. Cela nous paraît aujourd’hui plus que jamais indispensable.  

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